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Version audio : https://soundcloud.com/user-934038076/jeux-video-et-representation-episode-1-nos-jeux-leurs-studios

[ATTENTION UCHRONIE - Récit d'événements fictifs à partir d'un point de départ historique] - Suite épisode 1 - https://www.weareplaystation.fr/communautes/we-are-playstation/le-coin-des-wapers/decryptage/jeux-video-et-representation-prologue

Paris, France.

Année 53 du calendrier #Metoo

Je vadrouille au fil des rues, en repensant aux dernières annonces…

Une goutte… une autre… La météo s’emballe et les lumières des néons commencent à s’estomper sous le rideau de pluie. Je presse le pas. Quelle que soit l’époque, la météo parisienne me fait fuir les rues, me pousse vers le confort des intérieurs.

Je passe un bar… un autre… encore un autre… Je suis trempé, mais ma phobie sociale reste imperméable aux établissements trop bruyants et fréquentés.

J’arrive ruisselant dans un café dont je suis un habitué. L’ambiance lounge est rassurante. Il n’y a que 3 clients. Le barman me fait signe, je m’étale sur un fauteuil. Ma playlist a été remplacée par l’ambiance jazzy du lieu et je me perds dans la déco du bar.

Il y a 60 ans, c’était un havre LGBT. La Mutinerie. On retrouve sur le mur des photos décorées de l’époque. Des images en noir et blanc, des clichés colorées, des textes militants. Le lieu servait d’espace d’échange, de terreau aux idées progressistes. On y débattait, on y parlait actu. Les affaires Activision/Blizzard et Ubisoft y avaient fait le tour des discussions. On y lançait des Game Jam entre développeuses, sur des tables de bar récupérées au quatre coins des rues de Paris, et on y proposait des conférences de créateurs de jeux indépendants, loin des approches élitistes parisiennes de la Gaîté Lyrique et de ses happenings sur le même thème, pourtant à quelques rues de là…

A cette époque, ces lieux étaient nécessaires. Se retrouver. Entre nous. Parler sans contrainte et sans jugement de nos quotidiens. Créer des scénarios, des univers, des mondes alternatifs avec juste un café, un crayon, un cahier. Refaire le monde en lignes de code quand le monde, dehors, nous refusait le droit d’exister. Quand les univers vidéoludiques qui nous étaient proposés nous excluaient systématiquement, ou nous utilisaient comme ennemis ridicules et caricaturaux.

Aujourd’hui, la société accepte largement la différence. Et s’attaquer à l’orientation sexuelle, l’origine, ou l’identité de genre d’une personne est devenu marginal. Cela ne veut pas dire que ces idées n’existent plus. Non. Mais lorsqu’elles réapparaissent, elles sont dénoncées, elles sont jugées. Nul ne devrait être discriminé pour simplement “exister”...

Mais pour en arriver là, le monde a payé le prix fort… La société a dû apprendre d’années de violences intenses, de chroniqueurs niant une réalité sociale sur toutes les chaînes, mais surtout… surtout… de ses communautés de joueurs…

Mon regard se pose sur une dernière photo… [A SUIVRE]

Artwork credits : DuckPasta, Deviantart

Je ne sais pas si les espaces de jeux étaient moins discriminants à leurs origines. Quand on jouait à Pong, Space Invaders, puis Alex Kidd, un peu plus tard à Street Fighter II. Quand on brûlait notre argent de poche dans les salles d’arcade, faute de console de salon.

Est-ce que cette ségrégation s’est faite avec le temps ? Est-ce qu’elle était déjà présente en embryon dans nos jeux, aux prémices de l’histoire vidéo-ludique ? Une chose est sûre, nous payons aujourd’hui le prix fort de studios aux staffs masculins et… très égocentrés.

Des décennies de productions viriles et de héros testostéronés, sauvant des princesses rose bonbon qui attendent sagement leur délivrance au fin fond de sombres donjons, des millions de personnages féminins en armures bikinis… autant d’images, de codes implicites qui ont été poussés dans nos jeux, et que nous ne remettons plus en cause spontanément aujourd’hui.

La barre de vie est rouge.

La barre de mana est bleue.

La démarche des personnages féminins est lascive et chaloupée.

La tenue des personnages féminins est légère et dénudée.

Même en armure de plaque complète…

Les héros que l’on m’a servi en grandissant, ce sont les héros attendus par une génération ne reconnaissant pas la diversité comme légitime. Ce sont des héros que la génération précédente de joueurs, enfin arrivée aux postes de production et de décision des studios, se sont imaginés être attendus par les jeunes joueurs. Une projection qui s’est faite sur la base de clichés sexistes : les joueurs sont forcément masculins. Les joueurs sont forcément jeunes. Donc, bouillant d’hormones, ils attendent du sexe, et de la violence. Du sexe hétéronormé, et de la violence sans justification. Ainsi sont nés nos personnages héroïques, charismatiques, et masculins sauvant le monde d'ennemis objectivement mauvais. Des personnages faciles à aimer d’un côté, et faciles à détester de l’autre. Du blanc et du noir qui ne remet pas en question quels types de personnages on a forcé dans chacun de ces rôles.

Ces œuvres en disent autant sur “le joueur type” fantasmé des studios que sur les créateurs de ces jeux. En transparence des valeurs véhiculées par la production, il est facile d’imaginer les valeurs de ceux qui ont créé leurs histoires.

C’est ainsi que des studios récents comme Dontnod, avec des licences progressistes telles que Life is Strange ou Tell Me Why, vont être loués pour la promotion du télétravail et leurs engagements dans des valeurs sociales, quand des studios historiques tels qu’Ubisoft ou Activision/Blizzard, s’embourberont dans les affaires d’agression, de harcèlement, et de discriminations sexistes à l’emploi.

D’un côté, des licences promouvant une représentation LGBT positive, traitant de sujets de sociétés (rapport à la dépression, au suicide, socialisation au-delà du cadre romantique), de l’autre, des personnages aux designs fortement sexualisés, insistant parfois lourdement sur des clichés racistes (World of Warcraft), des personnages féminins volontairement écartés des rôles majeurs par les studios (décision d’Ubisoft pour Assassin’s Creed).

Mais le paysage vidéoludique évolue, et ne se limite pas à cela.

“Women don’t sell” (trad. : “Les personnages féminins ne vendent pas”). Ces propos relayés en boucle par les cadres d’Ubisoft à chaque Assassin’s Creed seraient aujourd’hui bien difficiles à assumer.

Il y a quelques jours seulement, Horizon Forbidden West est sorti, encensé notamment pour le design de son personnage, Aloy, par sa profondeur, par son caractère, par son réalisme certes graphique, mais surtout par son réalisme cru. Son réalisme humain, non fantasmé.

L’année dernière “The Last of Us : Part II”, mettait en scène des personnages féminins forts, gays, et une antagoniste dont le charac design était forgé par la violence d’un monde post-apocalyptique. Loin des maquillages, des corps filiformes de top modèles, et des plastiques généreuses… Le corps d’Abby est un corps forgé par un entraînement militaire, par le besoin de se battre pour survivre, par les combats contre des hordes de mutants.

Juste avant encore, “Ghost of Tsushima”, dont le travail de recherche sur la culture japonaise, incluant des spécialistes du Japon ainsi que des natifs dans le processus de création, a été loué par les personnes concernées.

Enfin, un peu plus tard dans l’année, une vidéo commerciale de PlayStation, donnait le ton pour l’image de la marque post-PS5 : teintée entièrement d’une esthétique queer LGBT, elle mettait un accent immanquable sur la diversité. Diversité ethnique, mais aussi diversité de genre avec des codes vestimentaires volontairement colorés et genderfucked (https://youtu.be/4yuEnY9ItqA ).

Il est donc possible de faire des jeux différemment. De penser les univers vidéoludiques différemment. Sony, Dontnod et de nombreux autres studios nous l’ont prouvé. Emboîtant le pas de jeux plus modestes comme “Celeste”, “Undertale”, “Road 96” ou encore “Papers, please”.

Cela a un coût.

Quand un développeur indépendant décide de créer un jeu progressiste, sa base de joueurs sera liée à la communauté qui le suit depuis le début de la création, qui connaît et partage ses valeurs. Il risque peu de surprises.

Quand les “PlayStation Studios” se lancent dans la bataille, c’est un signal fort : ils assument de faire fi de la base réactionnaire de joueurs, qui insultent Abby et Aloy pour leur prétendu “manque de féminité”, et harcèlent les développeurs sur les réseaux et dans la vie réelle.

PlayStation lance ainsi un message au monde : le harcèlement et la discrimination ne vendent plus.

Fireblist, en PLS le week-end dernier incapable de terminer l’article avant !

Si vous êtes intéressés par les représentations très genrées qui nous passent encore au quotidien sous le nez, le collectif Women in Games a fait un projet sur le concept du “Genderswap” (échange des genres) dans les jeux vidéos. Mais comme le lien vers le site est interdit par WAP, je vous laisse chercher dans Google "Womeningames" et "genderswap". C'est normalement le premier résultat !

Pas le temps de lire ? Leur vidéo est ici : https://youtu.be/4j6lGJerY3A

Par ailleurs, Moddiie, une streameuse JV qui fait de très bonnes analyses sociales a étudié le contenu de la vidéo, je vous ai mis le replay ici à la bonne heure : https://www.twitch.tv/videos/1298646156?t=00h46m22s (attention, le replay ne sera disponible que 30 jours après la diffusion, donc plus très longtemps !)

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Fireblist

Ah ! Il n'a pas pris la dernière image ! Zut... Elle était juste après la signature et avant les infos complémentaires...

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Adrientec

J’adore le style de la narration 😉

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Fpjacko

Merci pour ce bel article . J’aime beaucoup la clarté du texte et la mise en page !

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Aureledwige60

Bravo très bon article

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Mokitodelamoka

Géniale encore cet article ^^ Merci pour ce temps et nous faire passer des choses

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SCHUMIBOY

Moi je dis bravo car des articles aussi bien écrit c'est assez rare , mise à part dans les magazines spécialisés. Derrière tout ça il y a du travail!

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Krys-redfield

Très bel article 👍.

L'audio est très chouette aussi

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Stottlemeyer

Et tant mieux que ça ne vende plus... quand je vois que ça critiquait dernièrement la "barbe" d'Aloy... Je me dis qu'il faut vraiment avoir un problème...

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Manito

Bravo 👌👍

Du contenu au top. 🙏

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Mixvis

Un article top ! Hâte de lire les suivants

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